David Hume, Essais sur le bonheur. Les Quatre Philosophes.

Traduction anonyme du XVIIIè siècle. Notes et postface par Christophe Salaün. Mille et une nuits, mai 2011.


David Hume (1711-1776), le célèbre philosophe écossais, propose, dans un exercice à l'antique, d'explorer les diverses voies qui mènent au bonheur. L'Épicurien, l'homme d’élégance et de plaisir, voit le principe de toute satisfaction et de tout bonheur dans la seule nature. Rien ne l'égale dans ses productions et il serait vain de compter sur l'art et l'industrie pour être heureux. Le bonheur est dans l'harmonie de la nature et de notre constitution interne. Nous ne saurions être heureux «en dépit de la nature».  Mais s'il s'agit pour être heureux de satisfaire les facultés que la nature nous a offerts, le Stoïcien fait remarquer que l'homme se distingue des animaux par un « esprit sublime et céleste » et il déchoirait sûrement à se laisser « languir dans le repos et dans l'indolence ». Cet esprit, c’est même là tout ce qui lui est donné pour tirer sa subsistance des choses et « si la nature lui fournit des matériaux, ce n'est qu'en brut ; c'est à lui à les polir, et à les approprier à ses usages ». Le bonheur est donc bien davantage dans l’effort par lequel nous nous transformons nous-mêmes et nous hissons à la hauteur des exigences que notre humanité nous impose. Le Platonicien, homme de dévotion et de contemplation, voit dans cette affirmation de l’homme comme centre de toute chose la marque d’un intolérable péché d’orgueil. Au contraire, selon lui, «la béatitude, pour devenir la plus parfaite, doit certainement résulter de la contemplation des choses les plus parfaites ; mais qu’y a-t-il de plus parfait que la Beauté et la Vertu ?» Si on ne peut, d’un point de vue logique, donner tort sur ce point au Platonicien, quelle assurance avons-nous sur le plan psychologique de l'effet d'une telle idée sur notre conduite et nos manières de vivre ? Rechercher le Beau ou s’attacher à l’Idée de Vertu, n'est-ce pas prêter à une abstraction plus de poids que n’en a le moindre sentiment qui réellement nous affecte ? Quand les précédents orateurs se bornaient à évoquer divers objets — le plaisir, la vertu ou la divinité — susceptibles de nous rendre heureux, le Sceptique nous apprend au contraire qu’en elle-même aucune chose n'a de valeur ; celle-ci dérive essentiellement de la passion qu'on lui porte. Le bonheur n’est pas tant dans la possession des choses que dans la façon dont nous en sommes affectés. Mais pour qu’elles trouvent dans la vie sociale le moyen de s'épanouir pleinement, les passions ne doivent être ni violentes ni démesurées, encore moins se retrouver attachées sur le lit de Procuste des opinions tranchées des philosophes…

Interview par Adèle van Reeth dans le Journal des Nouveaux Chemins de la Connaissance sur France Culture (9 juin 2011). [Ecouter l’interview]

 

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