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L’art de vivre

Christophe Salaün, L’Art du bonheur selon les philosophes

Fayard/Mille et une nuits, septembre 2013.


« De toutes les choses du monde, remarque Aristote, on peut dire « qu’on ne les désire jamais que pour une autre chose, excepté toutefois le bonheur ; car c’est lui qui est le but ». – À quoi servirait-il en effet d’être heureux si ce n’était pour l’être justement ? Aussi les sages de l’Antiquité étaient-ils bien inspirés de voir
dans le bonheur rien de moins que le Souverain Bien, la fin ultime de toute existence, et, selon qu’ils plaçaient à son fondement le plaisir, la vertu, ou la seule raison, ils désignaient par ce mot l’inaltérable félicité, la béatitude inviolable, ou, ce qui revient au même, la plus haute sagesse. Et comme l’art qui offre d’atteindre un tel état doit à l’évidence être le plus recherché et le plus estimable, on ne s’étonnera pas, de la part des philosophes, qu’il n’en conçussent de plus grand que l’exercice philosophique lui-même. Préserver l’âme de la crainte des coups du sort, se délivrer de l’ignorance superstitieuse et des illusions trompeuses du désir, calmer le feu débordant des passions, ramener l’esprit au sens de la mesure et l’incliner à la tempérance plutôt qu’aux excès, telles sont les tâches que la tradition assigne à la philosophie, véritable art de vivre, le mieux à même, croit-on, de rendre heureux celui qui y consacre l’essentiel de son temps. Dans l’usage prudent des plaisirs et dans l’inlassable recherche de la vérité résiderait le secret de la vie belle, qui rend l’homme libre et souverain, semblable à Dieu. À l’école de Platon, d’Aristote, de Sénèque, jusqu’à celles de Pétrarque et de Descartes, chacun est exhorté à faire de nécessité vertu, à délaisser, comme indignes de l’état d’homme, les facilités du plaisir immédiat, à se hisser, par les sentes escarpées de l’ascèse, jusques aux sommets de la délivrance : « Ce que nous appelons la béatitude ne se trouve que dans les hauteurs, rappelle Pétrarque dans L’Ascension du mont Ventoux, et la route qui y mène, comme on le dit, est étroite […] et l’on ne progresse que par degrés, de succès en succès, de vertu en vertu. »

Las ! Notre époque confuse peine à se reconnaître dans ce type d’idéal, dans cette quête ambitieuse d’absolu…


Lire l’avant-propos


Le 20 février 2014, invité de Jean-Luc Moreau dans l’émission «Bibliomanie» sur Radio Libertaire pour évoquer «l’art du bonheur», Schopenhauer, Wagner, Baudelaire, Courbet, Proudhon, Zola et Hume… [Ecouter l’Interview]

 

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Philosopher avec Schopenhauer

Christophe Salaün, Apprendre à philosopher avec Schopenhauer, Ellipses, 2010.


« Ma philosophie est comme Thèbes, écrit Schopenhauer.
Elle a cent portes. On peut y pénétrer de toutes parts et par chaque porte accéder au cœur même de la ville ». En effet, expression d’une « unique pensée », la métaphysique de Schopenhauer n’est ni une théorie de la connaissance, ni une esthétique ni même une éthique: elle est tout cela à la fois. Elle est la tentative audacieuse de saisir en son entier l’énigme même du monde et d’en offrir le déchiffrement complet.

Si l’unité de la philosophie de Schopenhauer est ce qui en fait la richesse, elle est aussi ce qui en fait la difficulté. Sous l’apparence d’un système, elle est l’interprétation de l’essence du monde, interprétation forte et complexe qui autorise différents niveaux d’intelligibilité. Au fond, mieux qu’un système, la philosophie de Schopenhauer est une Weltanschauung, littéralement une « vision du monde », si on entend par là un regard circulaire et multiforme, porté sur l’existence humaine et s’interrogeant sur sa place dans l’ordre général de l’univers, animé du souci d’en rendre pleinement raison. C’est en ce sens que Schopenhauer est, selon la formule de Nietzsche, un éducateur : il propose à notre propre regard de se réformer, de se corriger, à nos yeux de se dessiller, et d’apprendre à contempler enfin le monde tel qu’il est en lui-même. Le philosophe nous convie à saisir la vie dans son caractère énigmatique et à en rendre compte dans son entier. Avec Schopenhauer nous retrouvons l’idéal de la philosophie « reine des sciences », idéal dont on trouve le principe, dans l’Antiquité, chez les premiers philosophes. Ce qu’elle s’efforce de mettre au jour n’est rien moins que l’unité même du monde à partir de ses multiples manifestations apparentes. «Il considéra, écrit Nietzsche, l’image de la vie comme un ensemble et l’interpréta comme un ensemble». De fait, Schopenhauer qualifie lui-même sa philosophie de «macranthropisme» : «on avait, dit-il, depuis les temps les plus reculés, proclamé l’homme un microcosme. J’ai renversé la proposition et montré dans le monde un macranthrope, puisque volonté et représentation épuisent l’essence de l’un comme de l’autre»…

(extrait de l’introduction)


Lire l’introduction


  1. *Le 6 juin 2018, Christophe Salaün était l’invité d’Adèle Van Reeth dans l’émission « Les Chemins de la Philosophie » sur France-Culture, émission consacrée aux rapports de l’égoïsme et de la pitié chez Schopenhauer. [Écouter l’émission]


  1. *Le 18 novembre 2014, Christophe Salaün était l’invité d’Adèle Van Reeth dans l’émission «Les Nouveaux Chemins de la Connaissance» sur France-Culture consacrée à l’éthique et au pessimisme de Schopenhauer. [Ecouter l’émission]


  1. *Le 11 décembre 2009, Christophe Salaün était l’invité de Raphaël Enthoven dans l’émission « Les Nouveaux Chemins de la Connaissance » sur France-Culture, émission consacrée à l’« Esthétique de Schopenhauer ». Seconde diffusion le 24 décembre 2010. [Ecouter l’émission]

 

Les philosophes* de A à Z

* les auteurs du Bac sont signalés par un

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L’origine du Monde…

Arthur Schopenhauer, Manuscrits inédits, tome II (1815-1818), éditions Coda, 2017.

Traduction française et notes par Jean-Pierre Jackson

Préface de Christophe Salaün


« Sans doute ces Manuscrits intéresseront-ils au premier chef le chercheur, le spécialiste, l’étudiant qui trouveront là amplement matière à une archéologie du Monde, à en retracer rien de moins que la genèse, tant ces textes éclairent d’une lumière vive les fondements du système, et la façon dont les points de vue se construisent en se frottant les uns aux autres, tant les exemples, les références, les idées apparaissent dans leur premier jet comme autant de promesses du livre à venir.

Au-delà de cet intérêt évident, il en est un autre, peut-être plus édifiant encore, qui ravira à coup sûr le lecteur éclairé, si ce n’est le schopenhauerien le plus enthousiaste, en ce qu’il lui est donné de redécouvrir, dans son processus d’élaboration, cette fameuse « pensée unique » dont la cohérence, la clarté, le charme et l’intelligence apparaissent d’emblée comme les traits saillants, sans oublier la dimension proprement organique, qui répond à un souci d’ailleurs clairement présent dès les prémices de sa construction. Il est ainsi naturel que la reprise, la réécriture, l’approfondissement et le commentaire constituent la norme formelle de l’exposition du système. Schopenhauer disait que la devise générale de l’Histoire devrait être : Eadem sed aliter – « la même chose, mais autrement ». En un sens, on peut le dire aussi de sa philosophie tant le soin accordé à la rendre claire en lui offrant le mode d’exposition le plus adéquat s’apparente à bien des égards à l’éternel retour du même. Rien de laborieux, pour autant, dans cette philosophie qui semble se déployer avec une étonnante facilité, alors même que l’on pourrait s’attendre, comme dans tout brouillon, à rencontrer les inévitables marques de l’hésitation et des choix. Certes, quelques fragments sont biffés, d’autres (rares) se répètent, mais dans l’ensemble, cette pensée neuve qui cherche encore pourtant sa forme définitive semble se saisir elle-même déjà avec une telle évidence que le lecteur progresse dans le texte avec plaisir et facilité, comme le promeneur qui s’aventure par un sentier encore frais, en perd parfois la trace pour la retrouver bientôt quelques pas plus loin. » (extrait de la préface).

 

Montaigne à vélo !

Christophe Salaün, Éloge de la roue libre

The Minute Philosopher, février 2018.



« Après les Rêveries du promeneur solitaire de Rousseau, les Méditations du cycliste en danseuse » 

Le Canard enchaîné


« Christophe Salaün donne à ses contemporains peut-être goût à la philo autant qu’au vélo et lutte ainsi contre l’inculture et l’embonpoint » Froggy’s Delight


« Entre dépaysement contemplatif et voyage intérieur, on prend la roue de ces confessions vélocipédiques avec plaisir » Philosophie magazine


« Christophe Salaün voit dans le vélo une éthique de l’effort, mais aussi un hédonisme et une esthétique, comme s’insérer par la course dans le paysage, y tracer sa voie… » Le Journal de la philo, France Culture



« La pratique du vélo m’invite à expérimenter trois conditions essentielles : celle de la volupté, celle de la vertu et celle de la contemplation du monde. Jouir, endurer, s'émerveiller, tels sont les pôles sans cesse renouvelés d'une activité qui mêle de la façon la plus intime la dépense physique et la pensée métaphysique, qui relie dans un entrelacs indissoluble le charnel et le spirituel. S'il m'est permis un raccourci, je dirais volontiers que le vélo est tour à tour et tout autant, un hédonisme, une éthique de l’effort, et une approche esthétique du monde. Il réunit l'évident plaisir de l'usage du corps, l'épreuve de la matérialité des choses, ainsi qu'une réflexion décisive sur le sens de mon insertion dans le monde. À vélo, dans l'expérience des choses, c'est toujours moi-même, corps et âme, que je saisis, et, in fine, c'est rien de moins que l'énigme de ma propre existence qui est en jeu.

Outre une chose et une pratique, le vélo est donc aussi une métaphore. Au-delà du transport, du déplacement, pédaler renoue avec une certaine idée du voyage. Tout cycliste est un voyageur, ne serait-ce qu'en raison de son rapport original à l'espace et au temps, de sa manie de réinventer le territoire en l'explorant, par un labour qui l'assimile tout en l'étendant. – Objet technique par excellence, le vélo est emblématique de notre compagnonnage et de notre connivence avec l'univers des machines. Il en souligne la beauté, la relation intime. À la fois auxiliaire et prolongement de mon corps, instrument ou appendice, il est cette machine qui vit de ma vie. – Dans le plaisir comme dans l'effort, dans le dépassement de soi ou dans la jouissance la plus sensible, il interroge mon autonomie et ma liberté, mon aspiration à la solitude comme ma tendance à faire société, il est une forme heureuse de laisser aller qui confine à l'oisiveté. Et comme à vélo, je ne marche plus, mais je cours ou glisse, quelle marque puis-je imprimer encore au monde quand je me borne à un tel survol ? Le vélo d'emblée est de parti-pris : contre la lourdeur consommatrice, destructrice du monde, il y a comme l'expression d'une légèreté, d'une fluidité, d'un geste non invasif, mais ample, libre, discret. » (extrait du Prologue)


Grimper sur un vélo n'est certes plus cette aventure périlleuse que raconte avec drôlerie Mark Twain, elle conserve toutefois le charme et le piquant d'un geste subversif, la saveur particulière d'une initiative qui cherche avant tout à réhabiliter l'individu dans ses droits et cela à rebours de tout égoïsme. On n'est pas assis sur son vélo comme on peut l'être en voiture, illusoirement coupé du monde, blotti dans un cocon qui nous sépare des autres, de leur promiscuité, de leurs bavardages, de leur présence. À vélo, on est pleinement dans le monde, et partout on est chez soi.

Être « le nez dans le guidon », « en danseuse », en « roue libre »… Ce sont ces métaphores que Christophe Salaün explore avec légèreté non moins qu'avec sérieux, comme il enfourche son vélo, nous invitant à penser le vélo comme le point de convergence d'expériences qui sont autant d'occasions de redécouverte de soi et du monde.


Lire un chapitre (L’ascension du mont Ventoux)



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L’art, clair miroir du monde…

Arthur Schopenhauer, La Métaphysique de l’art

Écrits esthétiques. Recueil inédit

Introduction et notes par Christophe Salaün

The Minute Philosopher, août 2018


Calmant provisoire de la Volonté, l'art est l'occasion inespérée d’échapper pour un temps au torrent impétueux du vouloir-vivre. Dans l’expérience esthétique, le sujet s’affranchit de la pesanteur et de l’insistance de ses désirs, se hisse à la situation d’un point de vue privilégié, celui de « pur sujet connaissant ». Il ne perçoit plus les objets du monde comme autant de motifs sollicitant ses désirs, mais leurs Idées, c’est-à-dire les formes fixes et éternelles auxquelles ces objets se rapportent comme autant d’exemplaires sensibles et imparfaits. Ainsi en est-il de l'architecture, de la sculpture, de la peinture et de la poésie tragique. Chacun de ces arts s'acquitte à sa façon de cette connaissance idéelle du monde.

Un art, toutefois, échappe à ce bel édifice : c’est la musique. Dans le système de Schopenhauer, elle  apparaît, à part, douée d’une dignité supérieure. Ce ne sont plus les Idées des choses du monde (comme représentation) qu’elle a pour tâche de révéler, mais le monde lui-même comme Volonté. La musique est ainsi, à l’image de la philosophie, rien de moins qu’une métaphysique, propre à mettre au jour, dans une langue universelle, les ressorts cachés de l’essence du monde. Ce qui explique le pouvoir qu’elle a parfois de nous émouvoir et de nous bouleverser. 



Tirés des Suppléments du Monde comme volonté et comme représentation (1859) ou des Parerga et Paralipomena (1851), les écrits esthétiques ici rassemblés offrent au lecteur un aperçu complet des grands principes de l’esthétique de Schopenhauer : le pur sujet de la connaissance, le génie, la beauté de la nature, l’essence intime de l’art, le Beau, l’architecture, les arts plastiques, la poésie tragique et, bien entendu, la métaphysique de la musique. 

 

Eux et nous

Michel de Montaigne, Des Cannibales, Des voitures (Des coches), Des idées que l’on se fait sur soi (De la présomption)

Traduit en français moderne et préfacé par Christophe Salaün

The Minute Philosopher, février 2019


« Pour revenir à mon propos, je trouve, d’après ce qu’on m’en a dit, qu’il n’y a rien de barbare et de sauvage dans ce peuple, sinon que chacun appelle « barbarie » ce qui n’est pas dans ses usages. Il est vrai que nous n’avons pas d’autres critères de la vérité et de la raison que les exemples et les opinions et les usages qui ont cours dans notre propre pays. C’est là que nous trouvons toujours la religion parfaite, le gouvernement parfait, l’usage parfait et le mieux accompli de toutes choses ! Ces peuples sont « sauvages », comme nous appelons « sauvages » les fruits que la nature produit d’elle-même dans son cours ordinaire, alors qu’en fait nous devrions plutôt appeler « sauvages » ceux que nous avons altérés par nos artifices et avons détournés de l’ordre commun. Nous trouvons dans les premiers, vivaces et vigoureuses, les propriétés et les vertus vraies, utiles et naturelles, que nous avons abâtardies dans les seconds, en les accommodant pour le plaisir de nôtre goût corrompu. Il y a pourtant dans toute une variété de fruits de ces contrées une saveur délicate que notre goût trouve même excellente. Obtenus sans culture, ces fruits valent bien les nôtres. » (extrait)
 


Christophe Salaün, Le cas Courbet

The Minute Philosopher, 2019


Faut-il reconnaître à l’art une utilité sociale ? La création artistique est-elle le produit du génie ? La conscience de la mort nous conduit-elle nécessairement à croire en Dieu ? Espérer, est-ce donner tort au pessimisme ? La philosophie mène-t-elle au bonheur ? La beauté se réduit-elle à ce que chacun en perçoit ou existe-t-il une règle pour en juger ? Se peindre soi-même, n’est-ce qu’un sot projet ? Wagner est-il moderne ?…


Le cas Courbet rassemble des textes consacrés à Proudhon, Zola, Schopenhauer, Hume, Montaigne et Baudelaire.


Sommaire :

- Le cas Courbet : de l'art utilitaire à l'autonomie de l'artiste (Proudhon/Zola),

  1. -Le génie, le singe et l'homme (Schopenhauer),

  2. - La démangeaison existentielle et ses remèdes  (Schopenhauer),

  3. - L'espoir, vérité du pessimisme (Schopenhauer),

  4. - L'origine du Monde… (Schopenhauer),

  5. - L'art d'être heureux (Hume),

  6. - La mort du Beau et la naissance de l'esthétique (Hume),

  7. - Qui suis-je ? (Montaigne),

  8. - Mon semblable, mon frère (Baudelaire).